Sahel poésie

samedi 23 mai 2020

Hier


Hier
Pas plus tard qu'hier
Depuis ma case aussi ronde que la terre
Me parvenaient les mille et un messages naturels
Aujourd'hui
J'ai tout renié dans cette << TOUR INFERNALE >>
Hier
Hier encore
J'étais tout oreille à l'enseignement
Ruisselant de la sagesse ancestrale
Aujourd'hui
Je n'ai d'yeux que pour ces livres indus
Hier
C'était bien hier
J'appelais frère
Le petit-fils du frère de mon grand-père
Aujourd'hui
A peine je l'appel << cousin éloigné >>
Hier
Oui c'était bien hier
A l'orée du village
Je conduisais le vieil aveugle
Aujourd'hui
I've no time
Hier seulement j'étais
Aujourd'hui qui suis-je?


Poème de Dogo Mayaki
In (le lendemain des humains)

mercredi 20 mai 2020

L’enfant en moi




Je me rappel de lui encore.
Comme si c’était hier, tôt le matin.
A l’heur où le coq chante; Il chante avec lui.
Il chante avec l’aurore.
Il célèbre la naissance d’un nouveau soleil,
D’un nouveau matin.
Je me rappel de lui.
Dans la sensation et dans le goût de la brise matinale.
Dans l’explosion des couleurs,
Dans ces petits yeux de môme.
Admirant toujours son milieu.
 Toujours de  plus en plus curieux.
Je me rappel de lui.
De ces fous-rires, aimant jouer
Jusqu’à tard dans la journée.
Son plus grand rêve était de grandir.
Sa plus grande crainte était de casser ou perdre un jouet.
D’entendre les mots : vas te laver !
Je me rappel de lui .
Quand tard la nuit, Il se perd dans le ciel et dans les étoiles.
Dans des rêves de plus pharaoniques.
Ah la vie ne me force pas à l’oublier.
J’ai tant besoin de lui.
Il me rappel que tout est possible.
Que tout vas bien.


In (Non classé)

samedi 16 mai 2020

Tandis qu’ils dorment tous, je dis mon chant d’amour.


                                                                                                          Poèmes de Kourman agg-elselisu
traduit du tamacheq au français par:
 Moussa Albarka et dominique Casajus.


Tandis qu’ils dorment tous, je dis mon chant d’amour.
Des pensées en grand nombre à l’envi me poursuivent,
Soufflées par le démon ténébreux dont tourmentent
Mon âme à l’agonie les murmures fétides ;
Je le vois qui frémit, s’avançant devant moi.
Il est aussi cruel qu’une hyène à collier
Ou que le sanglier se vautrant dans la fange,
La hure hérissée et dardant ses défenses,
Lorsqu’il me dit tout bas : « Je sais pour cette nuit
Quels tendres entretiens nous donnerait l’amie
Dont la bouche mignonne [en s’entrouvrant découvre,]
Des dents que leur blancheur rend pour toi plus précieuses
Que les brins ajourés d’un tissu de coton. »
J’enlace [dans mon rêve] un cou que lui envie
La gazelle paissant sur les terres herbeuses.

Huilés et torsadés, ses cheveux sont pareils
À la corde tressée dans la laine des chèvres.
Sa peau luit comme un champ sur la haute colline,
Quand les nuées gonflées déversent à l’aplomb,
Au milieu des éclairs, une pluie ruisselante,
Dont s’abreuve et se lave une steppe assoiffée.
Ah ! j’aime son visage, entre joues et sourcils.
Ah ! elle m’a frappé d’un dard empoisonné,
Me laissant à mon mal et aux plaies qui me rongent.
Est-ce un aigle qui plane au-dessus de ma tête
Escorté de corbeaux croassants et avides ?
Attendant la curée, les voici qui se posent.
Comme un fauve affamé, l’aigle d’abord s’avance ;

 Dans mon sang il se baigne et son bec est dressé,
De ses serres il ouvre une plaie douloureuse
Tandis qu’entre mes flancs mes entrailles s’épanchent.
Comme si ce démon avait entendu l’aigle
Il le frappe soudain d’une épée à sa taille.
La vision se dissipe en un froissement d’ailes.
J’approche mon chameau et je saisis sa selle,
Puis en serre la sangle adaptée à son flanc,
Prêt à le cravacher d’un rameau de gommier.





In (Moussa Albaka, Dominique Casajus. Trois poèmes touaregs de la région d’Agadez. Awal (Cahiers
d’études berbères), Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 1988, pp.145-163. ￿halshs-01070999
)