Toi qui m'as reçu dans ton nid, emmailloté,
Et caressé par un bout de ton feuillage,
Je t'ai vu décrépir de tes fleurs
Et l'amour s'éteindre en bourgeon.
Impuissant, je t'ai pleuré.
Jadis vert,
Le vent issu des naseaux du désert
Fait sécher les feuilles et flétrir les herbes.
Ta peau pelée porte encore quelques arbres rabougris
Témoins de ta gloire d'antan.
Une paysanne aux pieds nus,
Accablée de marche et de fardeau,
Se repose sous le maigre ombrage
De tes timides piquants.
Ton sol dépecé se coiffe par endroits
de touffes et d'arbustes chétifs.
Triste sort que le tien !L’œil perçoit sans peine l’horizon
Et l’iris pétille sous la lueur du soleil,Impitoyable et dévastateur conquérant.
Point de troupeaux qui rentrent le soir,
Point d’oiseaux qui bercent le réveil au matin
Le destin t’a rendu mortuaire,
L’hirondelle passe ses vacances ailleurs.
Des aigrettes ayant perdu leurs maîtresses
S’envolent par rangée d’angles obtusEt, par un incessant battement d’ailes,Du haut du ciel, t’envoient leur dernier adieu.
Seul un oisillon s’arrête de fatigue
Pour prendre refuge au portail d’un cadavre,
Que ne vois-je encore ?
Des femmes à dos d’ânes,
Avec des rejetons à leurs dos
Et des marmots au-devant comme des mères-kangourous,
Emportant leurs plus utiles appareillages,
Abandonner le sol natal pour une aventure.
Poème de Albert ISSA
In « Ballade poétique », La pensée universelle, Paris, 1996.
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